Tribunal Judiciaire de Grasse en date du 07 février 2023
Le présent article a pour but d’expliquer le rôle du juge de l’exécution au travers de la question du refus d’exécution d’une décision de justice.
Une société de menuiserie métallique a été missionnée par un couple pour poser des fenêtres dans leur appartement. Cependant, à l’achèvement des travaux, les époux se sont plaints de malfaçons.
Sur ce fondement, le couple a assigné la société devant le Tribunal judiciaire de Grasse qui a prononcé la remise des parties dans l’état dans lequel elles se trouvaient avant la formation du marché de travaux et le remboursement des époux par la société de pose de fenêtres. En d’autres termes, les époux ont obligation de restituer l’entièreté du matériel posé dans leur appartement et vont se voir réattribuer les sommes qu’ils ont versé à ce titre.
Or, les époux refusent catégoriquement de voir retirer toutes les fenêtres de leur appartement sans avoir l’opportunité d’en faire poser de nouvelles. Bien que contraints de s’exécuter, les époux n’ont pas daigné laisser accès à leur appartement ni à l’huissier, ni à la société tous deux spécialement venus pour récupérer le matériel dû. De plus, quelques jours plus tôt, la société de menuiserie métallique a restitué la totalité des sommes versées par le couple, tel qu’il a été ordonné par jugement du tribunal judiciaire de Grasse.
Dès lors, la société de pose des fenêtres, accompagnée de nôtre cabinet, assigne les époux à comparaître devant le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Grasse.
Les fonctions de juge de l'exécution sont exercées par le président du tribunal judiciaire. Il s'agit le plus souvent d'un juge unique compétent, au sens de l’article L. 213-6 du Code de l'organisation judiciaire, pour interpréter un titre, rectifier une erreur matérielle, ordonner des astreintes, constater l'acquisition d'une clause résolutoire, délivrer exceptionnellement un titre exécutoire, condamner le débiteur pour résistance abusive.
En l’occurrence, les époux ont retardé de manière abusive de 4 mois après le prononcé du jugement, la demande d’un nouveau devis auprès d’une autre société de pose de fenêtres. De fait, la société était parfaitement fondée à demander 5.000€ de dommages et intérêts et une astreinte de 500€ par jour passé un délai d’une semaine suivant la décision à intervenir.
Néanmoins, le juge de l’exécution est tenu par l’objet de la demande. Ainsi, il doit s’assurer qu'un délai suffisant s'est écoulé avant l'audience pour que le défendeur (ici les époux) ait eu le temps de préparer son argumentation.
Finalement, le juge de l’exécution a tranché en faveur de la société de menuiserie métallique.
En effet, le juge de l’exécution a condamné les époux à laisser accès à leur appartement afin que la société puisse procéder à la dépose du matériel et ce sous astreinte provisoire de 100€ par jour de retard à compter de 8 jours après la signification du jugement pendant une durée de quatre mois.
Cette décision va maintenant permettre à notre cliente d’assurer le caractère effectif de la restitution de son matériel.
Article rédigé par Méline DIETSH, étudiante à la Faculté de Droit et sciences Politiques d’Aix-Marseille.
N'hésitez pas à nous contacter pour plus de renseignements sur ce type de situation au 04.93.58.10.96 ou par courriel
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TRIBUNAL JUDICIAIRE DE GRASSE
SERVICE DU JUGE DE L’EXECUTION
JUGEMENT DU 07 Février 2023
RG N° 22/05228
S.A.RL. B…
représenté par Me Florian FOUQUES, avocat au barreau de GRASSE
DEFENDEURS :
Monsieur D…
Représenté par Me B…, avocat au barreau de NICE, avocat plaidant
Madame D…
Représenté par Me B…, avocat au barreau de NICE, avocat plaidant
COMPOSITION DU TRIBUNAL :
Président : Madame Alexandra MORF, Vice-Présidente
Greffier : Monsieur Yannick MONTAGNE, Greffier
DEBATS :
Avis a été donné aux parties à l’audience publique du 06 Décembre 2022 que le jugement serait prononcé le 07 Février 2023 par mise à disposition au greffe.
JUGEMENT LITIGE :
Prononcé par mise à disposition au greffe,
Par décision contradictoire,
En premier ressort.
EXPOSE DU LITIGE
Selon jugement contradictoire en date du 17 juin 2022, le tribunal judiciaire de Grasse a notamment :
- Prononcé la résolution au 16 octobre 2020 du marché de travaux conclu le 31 juillet 2019 entre Monsieur D… et Madame D…, d’une part et SARL B…, d’autre part ;
- Condamné la SARL B… à payer à Monsieur D… et Madame D… la somme de 9 800 euros en restitution des sommes perçues en exécution du contrat ;
- Condamné solidairement Monsieur D… et Madame D… à restituer à la SARL B… les fenêtres posées dans leur appartement ;
- Condamné solidairement Monsieur D… et Madame D… à laisser l’accès à leur appartement à la SARL B… pour qu’elle puisse récupérer les fenêtres posées ;
- Rejeté la demande de fixation d’une astreinte assortissant la condamnation à restituer les fenêtres ;
- Dit n’y avoir lieu à écarter l’exécution provisoire de droit.
Le jugement a été signifié à Monsieur D… et Madame D… à la requête de la SARL B…, le 13 septembre 2022.
Selon acte d’huissier en date du 7 octobre 2022 la SARL B… a fait assigner Monsieur D… et Madame D… à comparaitre devant le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Grasse en vue de leur condamnation à la laisser récupérer les fenêtres, sous astreinte, ainsi qu’à des dommages et intérêts.
A l’audience du 8 novembre 2022, la procédure a fait l’objet d’un renvoi l’audience du 6 décembre 2022, à la demande des parties, afin de se mettre en état.
Vu les conclusions de la SARL B… aux termes desquels elle sollicite du juge de l’exécution, au visa de l’article L.131-1 du code des procédures civiles d’exécution, de :
- Débouter Monsieur D… et Madame D… de l’ensemble de leurs demandes;
- Constater qu’elle s’est intégralement exécutée des condamnations mises à sa charge suite à exécution forcée de la partie adverse;
- Constater que Monsieur D… et Madame D… empêchent, par leur silence, la récupération des biens lui appartenant;
- Condamner Monsieur D… et Madame D… à lui laisser récupérer les fenêtres posées dans leur appartement sous astreinte de 500 € par jour de retard passé le délai d’une semaine suivant la décision à intervenir;
- Condamner Monsieur D… et Madame D… au paiement de la somme de 5 000 € à titre de dommages et intérêts;
- Condamner solidairement Monsieur D… et Madame D… au paiement de la somme de 2 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens, en ce compris le coût du constat d’huissier du 23 septembre 2022.
Vu les conclusions de Monsieur D… et Madame D… aux termes desquels ils sollicitent du juge de l’exécution, de:
- Rejeter les demandes de la SARL B…,
- Leur accorder un délai de quatre mois pour restituer à la SARL B… les fenêtres lui appartenant,
- Condamner la SARL B… au paiement de la somme de 2 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.
A l’audience, les parties se sont référées aux moyens et prétention contenus dans leurs écritures.
Il est expressément référé, en application de l’article 455 du code de procédure civile, à l’exploit introductif d’instance et aux conclusions pour connaître des faits, moyens et prétentions des parties.
MOTIFS
Sur la qualification de la décision:
En l’espèce, toutes les parties ont comparu. La présente décision sera donc contradictoire, conformément aux dispositions de l’article 467 du code de procédure civile, et rendue en premier ressort.
Sur la demande de fixation d’une astreinte:
Selon l’article L.131-1 du code des procédures civiles d’exécution, le juge de l’exécution peut assortir d’une astreinte une décision rendue par un autre juge si les circonstances en font apparaître la nécessité.
L’article L.131-2 du code des procédures civiles d’exécution, l’astreinte est indépendante des dommages-intérêts. L’astreinte est provisoire ou définitive. L’astreinte est considérée comme provisoire, à moins que le juge n’ait précisé son caractère définitif.
Une astreinte définitive ne peut être ordonnée qu’après le prononcé d’une astreinte provisoire et pour une durée que le juge détermine. Si l’une de ces conditions n’a pas été respectée, l’astreinte est liquidée comme une astreinte provisoire.
L’article R131-1 du même code dispose que l’astreinte prend effet à la date fixée par le juge, laquelle ne peut pas être antérieure au jour où la décision portant obligation est devenue exécutoire. Toutefois, elle peut prendre effet dès le jour de son prononcé si elle assortit d’une décision qui est déjà exécutoire.
En l’espèce, il résulte des pièces versées aux débats, que selon jugement exécutoire par provision en date du 17 juin 2022, le tribunal judiciaire a fait droit à la demande des époux D… de résolution du marché de travaux conclu entre les parties et a condamné ces derniers aux restitutions réciproques en résultant.
Le 13 septembre 2022, la SARL B… a fait signifier à Monsieur D… et Madame D… le jugement, démontrant ainsi son intention de l’exécuter.
Elle leur a également fait délivrer, le même jour, par le ministère de Maître N…, huissier de justice, une sommation d’avoir à être présent le 23 septembre 2022 à partir de 8 heures 30, à leur appartement, pour lui permettre de récupérer ses fenêtres, conformément au jugement précité.
Le 14 septembre 2022, par la voie officielle, le conseil de Monsieur D… et Madame D… a informé celui de la SARL B… que celle-ci ne pourrait pénétrer chez eux pour récupérer les fenêtres tant qu’elle n’aurait pas exécuté la décision rendue et a invité à la consignation des sommes dues.
Il résulte du décompte établi par la SCP M…, huissiers de justice associés, mandatée par les époux D…, que la SARL B… a réglé les 16, 19 et 20 septembre 2022 l’intégralité des sommes réclamées (en principal, intérêts, frais et dépens) à hauteur de 11 922,96 €
Pourtant, il résulte du procès-verbal de constat dressé par Maître N…, huissier de justice, le 23 septembre 2022, versé aux débats par l, que celle-ci s’est rendue a demanderesse à l’appartement des époux D…, comme indiqué dans la sommation du 13 septembre 2022, pour procéder à la dépose des fenêtres et trouvé porte close.
Or, les époux D… ne démontre pas avoir, depuis, permis à la société d’accéder à leur appartement pour récupérer ses fenêtres, conformément au jugement. Ils ne contestent, d’ailleurs, pas ne pas les avoir restituées, le justifiant par la nécessité de poser de nouvelles fenêtres avant de restituer les anciennes et indiquant ne pas être tributaire des délais de livraison et d’installation.
A cet égard, ils produisent un devis du 26 octobre 2022 de la société L…, société italienne basée à Vintimille, pour une prestation de fourniture et de pose de fenêtres, qu’ils auraient accepté le 27 octobre 2022, une signature étant apposée sous la mention « Firma per accettazione ». Aucun délai de réalisation de la prestation n’est mentionné sur le devis et aucun document justifiant, a minima, d’une date prévisible, n'est communiqué. Ils ne justifient, d’ailleurs, pas du paiement de l’acompte de 45% prévu dans le devis.
Au regard de ces éléments, la demanderesse justifie de la nécessité d’assortir la décision du tribunal judiciaire d’une mesure d’astreinte. Il n’est pas justifié, en revanche, d’accorder aux époux D… le délai solliciter pour la restitution des fenêtres.
En effet, il résulte des éléments de la cause que:
- La résolution du marché de travaux (impliquant des restitutions réciproques) a été prononcée sur leur demande (assignation du 16 octobre 2020), ceux-ci invoquant des désordres affectant les fenêtres;
- Depuis le jugement du 17 juin 2022, prononcé contradictoirement et exécutoire par provision, ils sont informés de ce qu’ils vont devoir restituer les fenêtres et permettre, pour se faire, à la SARL B… d’accéder à leur appartement pour les récupérer les fenêtres;
- Ils ont entendu se prévaloir de ce jugement puisqu’il résulte du décompte de l’huissier de justice mandaté par leur soins (la SCP M…), en date du 23 septembre 2022, que le jugement a été signifié à la société, le 1er août 2022 et qu’un commandement aux fins de saisie-vente lui a été délivré le 15 septembre 2022 (acte préparatoire à une mesure d’exécution forcée, démontrant leur intention de poursuivre l’exécution forcé du jugement);
- La SARL B…, qui n’a pas interjeté appel de cette décision, leur a, au contraire fait signifier le jugement et leur a faite délivrer une sommation, ne laissant aucun doute sur son intention de l’exécuter;
- La seule réponse donnée par leurs soins, par lettre officielle de leur conseil, consistait dans le fait qu’ils n’entendaient pas laisser la société à leur appartement pour récupérer les fenêtres, sans paiement des sommes dues ; cette lettre officielle ne faisait alors, aucune mention d’une quelconque difficulté quant à leur remplacement ; Elle n’indiquait pas davantage que les époux D… ne seraient pas présents à leur domicile le 23 septembre 2022 pour permettre l’accès à la société, en exécution du jugement;
- La SARL B… a exécuté le jugement en réglant l’intégralité des sommes réclamées avant le 23 septembre 2022;
- Les époux D… ont été assignés le 7 octobre 2022
Dès lors, au lieu de procéder au remplacement des fenêtres dont ils n’étaient pas satisfaits, dès (a minima) le prononcé du jugement, ils ont attendu le 27 octobre 2022 pour faire établir un devis, soit:
- Plus de quatre mois après le jugement,
- Plus d’un mois après la sommation qui leur a été délivré par la société et l’encaissement, par l’huissier de justice mandaté par leurs soins, des sommes dues par la SARL B…,
- Plus de vingt jours après la délivrance de l’assignation, sans justifier de leur carence.
Enfin, ils ont déjà bénéficié de délais de fait importants, notamment en lien avec la présente procédure.
En conséquence, il convient d’assortir l’obligation de faire, mise à la charge de Monsieur D… et Madame D…, le jugement du tribunal judiciaire de Grasse en date du 17 juin 2022, à savoir de restituer à la SARL B… les fenêtres posées dans leur appartement et de lui laisser l’accès à leur appartement pour qu’elle puisse récupérer lesdites fenêtres, d’une astreinte provisoire journalière de cent euros (100€), laquelle commencera à courir huit jours après la signification du présent jugement à la diligence de la SARL B… et ce, pendant une durée de quatre mois.
Sur les dommages et intérêts:
En Vertu de l’article L.121-3 du code de procédure civile d’exécution, le juge de l’exécution a le pouvoir de condamner le débiteur à dommages-intérêts en cas de résistance abusive.
En l’espèce, il est exact que Monsieur D… et Madame D… ont manifesté une résistance abusive.
Pour autant, la demanderesse ne rapporte pas la preuve de l’existence du préjudice invoqué.
Elle sera donc déboutée de sa demande à ce titre.
Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile:
Monsieur D… et Madame D…, succombant, supporteront in solidum les dépens de la procédure, conformément aux dispositions l’article 696 du code de procédure civile.
En revanche, le coût du procès-verbal de constat n’est pas compris dans les dépens tels que définis à l'article 695 du code de procédure civile.
Monsieur D… et Madame D…, tenus aux dépens, seront condamnés in solidum à payer à la SARL B… une somme, qu’il paraît équitable d’évaluer à mille huit cents euros (1 800 €), au titre des frais irrépétibles qu’il a dû exposer pour la présente procédure.
Sur l'exécution provisoire:
En vertu de l’article R.121-21 du code des procédures civiles d’exécution, la décision du juge est exécutoire de plein droit par provision.
PAR CES MOTIFS:
Le juge de l’exécution, statuant par jugement contradictoire et en premier ressort, prononcé par mise à disposition du public au greffe.
Assortit l’injonction faite à Monsieur D… et Madame D…, par le jugement du tribunal judiciaire de Grasse du 17 juin 2022, de restituer à la SARL B… les fenêtres posées dans leur appartement et de lui laisser l’accès à audit appartement pour qu’elle puisse les récupérer, d’une astreinte provisoire de cent euros (100€) par jour de retard;
Dit que cette astreinte commencera à courir huit jours après la signification du présent jugement à la diligence de la SARL B… et ce, pendant une durée de quatre mois.
Déboute la SARL B… de sa demande de dommages et intérêts;
Condamne Monsieur D… et Madame D…, à payer à la SARL B… la somme de mille huit cents euros (1 800 €), au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Condamne Monsieur D… et Madame D… aux dépens de la procédure.
Rejette tous autres chefs de demandes.
Rappelle que le présent jugement bénéficie de l’exécution provisoire de droit.
Et le juge de l’exécution a signé avec le greffier ayant reçu la minute..