La procédure d’expertise
Parfois au cours d’un dossier, le Juge peut considérer que l’avis d’un expert est nécessaire.
La procédure d’expertise est une chose dont le suivi peut être complexe pour les personnes novices en matière de Droit.
Afin de mieux vous aider à cerner le déroulement de cette procédure, vous trouverez sur cette page un schéma vous exposant les différentes étapes, ainsi que les explications des différentes phases.
Ce schéma peut bien entendu connaitre certaines exceptions qui ne sont pas reprises dans un souci de simplification des explications données pour une meilleure compréhension.
Phase I
La Désignation de l’Expert :
Le plus souvent, en matière civile, l’Expert peut être désigné de deux façons. La première sur le fondement de l’article 145 du Code de Procédure Civile qui dispose que "S'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé".
La seconde c’est par l’article 232 du Code de Procédure Civile qui dispose que : "Le juge peut commettre toute personne de son choix pour l'éclairer par des constatations, par une consultation ou par une expertise sur une question de fait qui requiert les lumières d'un technicien". Ainsi lorsqu’il en ressent le besoin, le Juge peut décider de faire appel à un expert. C’est dans le jugement que sera inscrite la décision du Juge de faire appel à un expert, ainsi que de la mission qui lui est attribuée. Il peut dans certains cas être décidé de faire appel à plusieurs experts mais cela est plus rare. Une fois la décision rendue et la consignation effectuée, l’Expert reçoit la décisions et prend connaissance de sa désignation ainsi que de sa mission. L’Expert peut refuser sa mission mais il devra justifier son refus.
Phase II
La Consignation : Cette phase consiste au versement d’une somme d’argent par une des parties concernée. C’est le juge qui établit le montant de cette somme dans sa décision et qui décide aussi de la partie qui devra la verser. Cette somme d’argent sert à avancer les frais qui seront engagés dans cette procédure. La partie qui a avancé la somme pourra plus tard demander, via les conclusions de son avocat, à ce que l’autre partie la rembourse.
Phase III
La Convocation des Parties : C’est l’article 160 du Code de Procédure Civile qui définit le déroulement de la convocation des parties. En effet, cet article dispose que "Les parties et les tiers qui doivent apporter leur concours aux mesures d'instruction sont convoqués, selon le cas, par le secrétaire du juge qui y procède ou par le technicien commis. La convocation est faite par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. Les parties peuvent également être convoquées par remise à leur défenseur d'un simple bulletin. Les parties et les tiers peuvent aussi être convoqués verbalement s'ils sont présents lors de la fixation de la date d'exécution de la mesure. Les défenseurs des parties sont avisés par lettre simple s'ils ne l'ont été verbalement ou par bulletin. Les parties défaillantes sont avisées par lettre simple". Ainsi, les parties sont convoquées par courrier recommandé avec accusé de réception, et pour les Avocats, un courrier simple suffit.
Phase IV
L’Accedit (Ou Réunion d’Expertise) : Une fois que la phase précédente est terminée, l’Expert convoque les parties afin de faire un premier point sur le dossier. Il y a ensuite au cours de l’Expertise parfois plusieurs réunions qui ont pour but d’informer les parties des différents éléments que l’Expert a pu recevoir au cours de son travail. Ces réunions permettent ensuite aux parties de faire des remarques sur ce qu’a pu dire ou constater l’Expert. De plus, il est vital pour le bon déroulement de l’Expertise que soit respecté par le juge ce que l’on appelle "Le principe du contradictoire". En effet, l’article 16 du Code de Procédure Civile dispose que "Le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction. Il ne peut retenir, dans sa décision, les moyens, les explications et les documents invoqués ou produits par les parties que si celles-ci ont été à même d'en débattre contradictoirement. Il ne peut fonder sa décision sur les moyens de droit qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations". Mais les parties doivent aussi le respecter. En effet, l’article 15 établit que les différentes parties doivent se transmettre mutuellement leurs différents arguments afin de donner la possibilité aux autres de répondre. Si ce principe n’est pas respecté, toute la procédure d’expertise peut être déclarée nulle.
Phase V
Le recours à un Sapiteur : Parfois, le problème posé à l’Expert peut dépasser son domaine de compétence. Quand c’est le cas, il peut faire appel à un technicien expert dans un autre domaine. Celui-ci est appelé un "Sapiteur". Ce principe est d’ailleurs présent à l’article 278 du Code de Procédure Civile dispose que "L’Expert peut prendre l'initiative de recueillir l'avis d'un autre technicien, mais seulement dans une spécialité distincte de la sienne". Néanmoins, le sapiteur devra s’occuper seulement de ce qui n’est pas du domaine de l’Expert, ce dernier restant le principal responsable de l’Expertise.
Phase VI
Le pré-rapport : Une fois que l’Expert a terminé ses observations, il établit un pré-rapport. Pourquoi ne pas établir directement un rapport ? La raison est simple, et a été vue précédemment, c’est pour respecter le principe du contradictoire. En effet cette phase est nécessaire pour permettre d’enclencher la phase suivante. Le pré-rapport permet aux parties de prendre connaissance des faits établis par l’Expert, et sans celui-ci, les parties ne seraient pas en mesure d’adresser leurs remarques et leurs arguments à l’Expert. Elles ne seraient donc pas en mesure de se défendre si jamais dans le rapport il y avait des éléments préjudiciables mais contre lesquels ils pourraient répondre.
Phase VII
Les Dires des Parties : Une fois que l’Expert a transmis son pré-rapport à toutes les parties, ces dernières l’étudient consciencieusement. Souvent elles ont des observations ou des remarques à adresser à l’Expert. Il s’agit là de ce que l’on appelle "Les Dires". Elles permettent comme vu précédemment de respecter le principe du contradictoire et ainsi de respecter la procédure. Les parties doivent néanmoins respecter un délai fixé par l’Expert, et dans le cas d’observations faites après l’expiration de ce délai, l’Expert n’est pas obligé de les prendre en compte. S’il les prend en compte, ces observations seront inscrites dans le rapport. Le principe des Dires est inscrit dans le Code de Procédure Civile, dont l’article 276 dispose que "L’Expert doit prendre en considération les observations ou réclamations des parties, et, lorsqu'elles sont écrites, les joindre à son avis si les parties le demandent. Toutefois, lorsque l’Expert a fixé aux parties un délai pour formuler leurs observations ou réclamations, il n'est pas tenu de prendre en compte celles qui auraient été faites après l'expiration de ce délai, à moins qu'il n'existe une cause grave et dûment justifiée, auquel cas il en fait rapport au juge. Lorsqu'elles sont écrites, les dernières observations ou réclamations des parties doivent rappeler sommairement le contenu de celles qu'elles ont présentées antérieurement. A défaut, elles sont réputées abandonnées par les parties. L’Expert doit faire mention, dans son avis, de la suite qu'il aura donnée aux observations ou réclamations présentées".
Phase VIII
Le Rapport : Lorsque l’Expert a recueilli les avis de toutes les parties au dossier, il rédige son rapport dans lequel il répond à toutes les questions qui ont été posées par les juges dans ce dossier. Une fois le rapport rédigé, l’Expert le dépose au Greffe du Tribunal. En général, les juges prendront en compte le rapport de l’Expert en tant que pièce maîtresse du dossier.
Phase IX
Le dessaisissement de l’Expert : A partir du moment où l’Expert a rendu son rapport, sa mission est terminée. A moins que le juge ne demande des renseignements supplémentaires, il n’a plus possibilité de le modifier ou de convoquer à nouveau les parties. Cela a été établi le 11 février 2004 par la 3ème Chambre Civile de la Cour de Cassation. Si cela n’était pas respecté, toute l’opération d’expertise serait considéré comme irrégulière.
Article rédigé par François GIRARD-BOËX, étudiant en Licence III à la faculté de droit de NICE et stagiaire au Cabinet de Maître FOUQUES.